Connectivité des populations d'hydraires mésophotiques de la Réunion (ConnectHydroMeso)
En 2021, le programme Te Me Um a choisi de soutenir le micro-projet de l’association réunionnaise Poisson Lune.
Ce micro-projet avait pour objectif d’estimer le potentiel de connectivité entre les récifs coralliens méso- et euphotiques, et entre les récifs mésophotiques eux-mêmes autour de l’île de la Réunion.
Les écosystèmes coralliens mésophotiques (ECMs) suscitent un intérêt croissant depuis quelques années. Ces habitats profonds (30 à 150 m.), pour la plupart inexplorés, abritent une biodiversité riche et unique. Ils pourraient servir de réservoir de biodiversité et de source de recolonisation pour des récifs peu profonds. Il existe très peu d'informations sur les ECMs dans l'Océan Indien et leur exploration est aussi inédite qu’urgente. C’est pourquoi Poisson Lune a souhaité explorer les ECMs de La Réunion en se concentrant sur les hydraires benthiques, espèces clés des écosystèmes marins. Non seulement ces animaux pionniers permettent la colonisation des espaces par de nombreux autres organismes (successions écologiques), mais ils offrent également des structures vivantes en 3D (colonies buissonnantes à squelettes chitineux ou à squelettes calcaires similaires aux coraux scléractiniaires) fournissant ainsi des habitats et des zones de nurseries pour beaucoup d'autres espèces vagiles.
Lors de campagnes précédentes, des chercheurs partenaires ont collecté et déterminé près de 200 espèces dans les récifs de surface (euphotiques) autour de La Réunion (0-30 m.) et généré une importante base de données génétiques. Grace à un projet préliminaire financé par l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN), 8 plongées ont été effectuées autour de la Réunion, permettant un avant-gout de la diversité des hydraires mésophotiques. Ce micro-projet permet d'aller plus loin et s’attache à estimer le potentiel de connectivité entre les récifs méso- et euphotiques, et entre les récifs mésophotiques eux- mêmes, paramètre qui fait encore cruellement défaut dans les études sur les ECMs.
Les deux plongeurs de l'association Poisson Lune ont ainsi réalisées 10 plongées profondes sur 5 sites répartis à l'ouest, au sud et à l'est de l'île. Pour chaque site, plusieurs profondeurs ont été explorées : mésophotique haut et bas, 60-70 m. et 90-100 m. Les plongées ont permis de récolter 428 échantillons avec un recycleur (technique à faible impact environnemental), dont 195 sont en train d’être génétiquement analysés pour déterminer la connectivité des populations d’hydraires mésophotiques de plusieurs espèces. Les premiers résultats montrent, par exemple, une différenciation génétique de l’espèce Antennella billardi entre les côtes Est et Ouest de l’île. En outre, des images et des vidéos ont été enregistrées afin de pouvoir caractériser le milieu mésophotique, la diversité des hydraires présents et leur faune associée. Des bases de données taxonomiques et génétiques seront générées, rendues publiques et mises à disposition de la communauté scientifique (dépôt des séquences sur GenBank et des génotypes sur Dryad), pour permettre la comparaison avec des ECMs dans d'autres régions.
Le micro-projet a eu un effet levier, puisqu’il a permis de débuter ce travail sur la connectivité des populations et d’obtenir deux financements supplémentaires auprès de LabEx CORAIL et INPN pour réaliser la même étude à Mayotte. De plus, un financement complémentaire du LabEx CORAIL permet actuellement de réaliser des plongées mésophotiques sur d’autres sites autour de la Réunion (Sud et Est) afin d’avoir une vision plus globale de la connectivité des populations d’hydraires autour de l’île. Ce financement nous a également permis d’ajouter d’autres espèces cibles à l’étude en développant de nouveaux marqueurs génétiques, ce qui rendra nos résultats finaux plus robustes.
L’association tire quelques enseignements du micro-projet, notamment le besoin de prévoir de la marge, car une année passe très vite lorsque les terrains sont compliqués. La plongée à La Réunion n’est pas simple et encore moins la plongée profonde en milieu mésophotique. En effet, un accident de décompression et une météo défavorable ont retardé la réalisation des plongées et par conséquent des analyses génétiques, encore en cours de finalisation.
Ce micro-projet ne s’arrête donc pas là et des perspectives lui font suite. Il est en effet prévu que les échantillons collectés rejoignent une collection des hydraires du Sud-Ouest de l’Océan Indien débutée il y a plus de 15 ans par les Dr. Bourmaud et Dr. Gravier-Bonnet. Ces échantillons conservés en éthanol se trouvent dans les locaux du CRIOBE à Perpignan avec le Dr. Boissin. Les résultats génétiques feront l’objet de publications scientifiques (disponibles à partir de 2024) et les barcodes ADN seront déposés sur la banque de données publique GenBank. Deux posters de présentation ont également été réalisés en vue d’une conférence en Afrique du Sud (fin 2022) et d’une conférence internationale sur les Hydraires (Norvège, Mai 2023).
Rédaction : Emilie Boissin, Patrick Plantard et Lea Masserey
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