Forêt guyannaise et "bien public environnemental" : question parlementaire
Cette question parlementaire porte sur la valorisation des services rendus par la forêt amazonienne, et sur la politique de valorisation de cette ressource.
Question écrite n° 13071 de M. Jean-Etienne Antoinette (Guyane - SOC) (JO Sénat du 22 avril 2010, p. 984)
M. Jean-Etienne Antoinette attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat sur ce qu'il considère comme un bien public environnemental, à savoir les 8 millions d'hectares de forêt amazonienne de la Guyane, et sur l'absence, à ce jour, d'une réelle politique structurée, coordonnée et planifiée de valorisation de cette ressource naturelle au profit du développement endogène de la Guyane.
Il souhaite avoir un éclairage sur l'état d'avancement des mesures annoncées dans l'article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, notamment concernant les indicateurs permettant la valorisation dans la comptabilité publique nationale des biens publics environnementaux, d'ici à 2010.
Dans le même esprit, il souhaite connaitre l'état d'avancement des travaux concernant l'évaluation et la valorisation financière possible des puits de carbone séquestrés par les massifs forestiers, annoncées à l'article 29 bis du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, et les modalités de « paiement des services environnementaux » envisagées par le Gouvernement.
Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (JO Sénat du 28 octobre 2010, p. 2822)
Le service statistique du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM) a entrepris, avec l'appui de l'Insee, une réflexion sur le coût des dommages environnementaux. Des premières applications chiffrées ont été effectuées sur le coût de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, un indicateur physique mesurant l'empreinte carbone de la demande finale française a été développé. D'autres travaux en cours ont pour objectif de mesurer le coût de l'épuisement des ressources naturelles, absent actuellement des comptes nationaux. Les premiers résultats de cet ensemble de travaux sont publiés dans la revue du Commissariat général au développement durable de janvier 2010. Ces travaux s'articulent avec ceux engagés au niveau international et qui concrétisent aussi les recommandations formulées par la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi mise en place à la demande du Président de la République et portant sur la mesure de la performance économique et du progrès social. Au niveau européen, un « sponsorship group on measuring progress » vient d'être mis en place à l'initiative de l'Insee et d'Eurostat. Au niveau international, le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Jean-Paul Fitoussi ont convenu de créer une commission indépendante adossée à l'OCDE dans le but de poursuivre les travaux de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi et de proposer une refonte des indicateurs de performance économique et de progrès social. S'agissant de l'état d'avancement de l'évaluation économique des puits de carbone séquestrés par les forêts, le rapport du centre d'analyse stratégique n° 18 propose une première estimation des services rendus par les écosystèmes forestiers, qui inclut le service de stockage de carbone, dans le cas des forêts tempérées uniquement. Le MEEDDM travaille actuellement sur les suites de ce rapport et l'application de ses recommandations, en particulier sur la question de l'adaptation locale de cette valeur économique (spatialisation), ainsi que sur les possibilités d'intégrer les valeurs économiques totales aux évaluations socio-économiques des projets d'infrastructures. À ce stade, les travaux concernent la métropole, cependant, une étape ultérieure de ces efforts pourra porter sur l'outre-mer. Sur ce sujet ainsi que sur les modalités de paiements pour services environnementaux (PSE), un rapport sera bien remis au Parlement, dans un délai d'un an suivant la promulgation de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement. Par ailleurs, la valorisation des services rendus par les forêts guyanaises ne se limite pas au captage et au stockage du carbone. En effet, la biodiversité des écosystèmes forestiers représente un fort potentiel en termes de produits cosmétiques ou pharmaceutiques, par exemple. C'est dans cette optique que la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 sur les parcs nationaux introduit une disposition sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation (APA) au sein du parc amazonien de Guyane. Il s'agit de mettre en place un régime d'autorisation concernant l'accès aux ressources génétiques des espèces prélevées au cœur du parc : le conseil régional rend un avis conforme en tant qu'autorité compétente, après consultation de l'établissement public du parc amazonien, composé, entre autres, des représentants des communautés d'habitants du parc. Une charte sera établie d'ici à 2012 pour préciser les modalités de mise en œuvre de l'APA sur le territoire du parc. Les pratiques d'APA en Guyane, au regard de ce dispositif, font actuellement l'objet d'une étude commandée par le MEEDDM et menée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) dont l'objectif est d'évaluer la pertinence et la faisabilité de dispositifs d'APA en outre-mer.